Le couteau de Maya

20-06-2012 à 13:24:52
Au fil des rubriques, il apparaît que dans notre joli bateau, bon nombre de Moussaillons se piquent de bonne cuisine.
Je ne pense donc pas être contredit quand j’affirme que pour exercer cet art, la qualité des ustensiles est déterminante.

Parmi ceux-ci, les couteaux ont une importance aussi essentielle que les casseroles.
Je vais vous raconter le couteau de JoJo.

Quand nous avons uni nos destins pour le meilleur et pour le pire, notre premier nid d’amour était immense, et plein de vide, ce qui le rendait encore plus grand.
Nous réunissons donc nos trésors respectifs, en particulier notre équipement culinaire.

L’oiselle : Un réchaud Butagaz Bleuet, une assiette porcelaine, un verre Duralex, une fourchette, une cuillère, une petite casserole et « son couteau ».
Pas fastueux comme dot.

Le chasseur : En vieux baroudeur, je suis mieux loti.
Même réchaud Bleuet, chic, on a des cartouches d’avance.
Pour cuisiner, un ensemble de camping hypersophistiqué, tout emboîtable, (et déboîtable), que même un Chef-Scout, il n’en a pas un aussi performant.
Je trimbale ça depuis des lustres, depuis le temps où je « faisais » de la haute-montagne.
Comme ça coûte la peau du cul, j’ai toujours entretenu ce matos avec le même soin que mes outils, malgré ses heures de vol, c’est comme flambant neuf.
Coté couteaux, là, c’est du sérieux !
Outre l’opinel obligatoire en Savoie, j’aligne deux authentiques Suisses, (un Troufion et un Officier), plus un cran d’arrêt confisqué à un petit voyou qui avait eu la prétention de me le planter dans le bide un jour de gire, et, ce n’est pas tout, un couteau d’électricien, (lame recourbée, qui peut aussi servir à greffer les arbres), bref, dressing complet.

Revenons au couteau à JoJo :
En fait, elle en a deux, de même provenance.
Vous vous rappelez peut-être Bonux, la lessive aux cadeaux, où on y trouvait n’importe quoi, sauf les permis de conduire.
Elle en avait deux, elle m’en refile un, et la première fois que je m’en sers, (pour lui faire plaisir), je casse net la lame en coupant une escalope.
Désespoir ! Le patrimoine familial, ça commence bien !

Je lui jure formellement de ne plus JAMAIS toucher à SON couteau.
Ceci se passait en 1976, et j’ai tenu ma promesse jusqu’à l’année dernière.
Et là, c’est le drame !

Bien entendu, depuis 36 ans, les choses ont bien évolué, mais son couteau-fétiche, il nous a toujours suivis, et il est encore en bonne place dans le râtelier de notre cuisine.
Elle ne se sert QUE de celui-là depuis des décennies, les miens, ils coupent trop.
Il lui a beaucoup servi dans sa recette-phare, à savoir les œufs au plat, avec option obligatoire de brouillés ou en omelette.
Dans le second cas, avec un émincé d’oignon, c’est le top, et le couteau, c’est indispensable.
Pas pour éplucher les œufs, mais pour peler les oignons.

Mais les choses évoluent, trente kilos de surcharge pondérale nécessitent un changement radical d’habitudes alimentaires.
Le cassoulet en boite, la choucroute de même métal, le couscous qu’il est bon comme là-bas, interdits de séjours depuis quatre-cinq ans.
Résultats époustouflants, trente kilos en bas, poids stabilisé, sans AUCUN traitement.
Mais manger sain ne veut pas dire manger triste, j’ai renforcé mes dispositions créatrices culinaires, naturelles, avec fréquentation assidue de Marmiton, (côté cuisine, car au Salon…), et la JoJo se pique au jeu.

Elle s’est mise aux queues des poêles, (ne pas confondre avec les poils de queue), souvent, elle me vire de la cuisine. Les miracles, ça existe !
Elle ne se sert QUE de son couteau, et c’est là que le drame survient !

Un jour, juste pour éplucher une gousse d’ail, j’utilise par inadvertance son tranchoir.
Je n’ai pas les genoux cagneux ni pointus, mais je vous jure qu’ils coupent mieux que sa relique en fer-blanc.
Je lui fais la surprise de l’aiguiser, de l’affuter, de l’affiler au cuir, (c’est un coiffeur qui m’a refilé le tuyau), bref, Monsieur Gillette en personne pouvait se raser avec.

La suite, vous la devinez, le soir même, du sang partout, compresse et sparadrap, une splendide poupée au pouce gauche, et la promesse de me crever les yeux si je touche encore une seule fois à son outil de prédilection.

J’ai promis, et cette fois, je tiendrai ma promesse jusqu’à la fin des temps, et même après.
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20-06-2012 à 18:39:14
...

Affuter les couteaux et en faire des rasoirs, c'était la spécialité de ma mère ... elle le faisait sur une pierre grise comme celle-là mon père l'avait encastrée dans un cadre en bois de sa fabrication ...

... comme j'utilise un fusil (le vieux fusil de mon grand-père) et que ma mère n'aimait pas, quand elle venait chez moi elle emportait sa pierre ... et tous les couteaux de la maison y passaient, même le couteau à beurre ! ...

... chez elle, elle avait des couteaux tellement usés à force d'aiguisage, qu'il ne restait plus qu'un tiers de la largeur de la lame, un vrai danger, personne n'y touchait à part elle !


Le Bonheur, c'est désirer ce que l'on a ... :|
20-06-2012 à 19:13:48
chez elle, elle avait des couteaux tellement usés à force d'aiguisage, qu'il ne restait plus qu'un tiers de la largeur de la lame, un vrai danger, personne n'y touchait à part elle !

Comme l'Opinel de mon père, on dirait un scalpel.

Le couteau c'est comme la brosse à dent c'est personnel et je suis d'accord à 100% avec Jojo, pas touche à mes couteaux !
Et surtout pas mon petit Laguiole qui ne quitte jamais mon sac à main. Au point que j'ai la trouille quand on doit me fouiller. Dernièrement à Roland Garros. Mais le gars ne s'est pas douté que le joli petit étui en cuir rouge dans le fatras contenait une lame affutée

Un vieux fusil et des pierres à affuter donnés par mon papa, le test de la tomate pour savoir s'ils ont besoin de passer à l'aiguisage.

Quand j'étais petiote, l'aiguiseur passait dans les rues avec sa carriole et toutes les ménagères faisaient appel à lui.

A propos de couteau, j'ai voulu renouveler mes couteaux de table pour tous les jours et j'ai acheté un lot à Ikéa. Il n'y avait pas de choix ce jour-là, ils avaient l'air costaud, suédois quoi
Et bien c'est une calamité ces trucs, à part le steak (mais on n'en mange jamais) çà coupe rien ou plutôt çà coupe tout de travers, le fromage en biseau, impossible de couper une pomme en deux partie égales.
Vous l'aurez compris, je ne vous conseille pas les couteaux Ikéa

Héra
"La critique est aisée mais l'art est difficile"
21-06-2012 à 11:07:21
Pauvre Héra !
Je compatis d’autant plus qu’il m’est arrivé une aventure un peu semblable.
Avec circonstances aggravantes.

Le fils d’un de mes potes se marie, nous sommes invités.
Le promis a jeté son dévolu sur une charmante petite-Bourgeoise du cru, pas du tout Marie-Chantal, pas non plus Baba-cool déjantée, avec une mère qui semble apprécier son futur gendre, mais sans le syndrome Belle-doche.
Bref, un petit veinard.

Bien entendu, je me mets en chasse d’une idée de cadeau, très difficile à trouver en absence de liste de mariage.
Un jour, faisant mes courses à Carrouf, je tombe sur une magnifique ménagère, 12 couverts, à un prix très abordable.
Ceci me pose problème, car la Ménagère, c’est vraiment bateau, les jeunes risquent de s’en collecter une bonne douzaine, j’ai scrupule.

Je m’en ouvre à mon pote, il m’amène chez sa future Belle-sœur, (ils sont déjà copains comme cochon), on en discute. La ménagère, c’est râpé !
La Baronne nous présente un présentoir, qui semble peser une tonne et demie, à peine moins large que l’immense table du salon.
C’est revêtu de velours grenat, frappé de trois couronnes Ducales incrustées à l’or fin.
On ouvre :

De la petite cuillère à café jusqu’à la louche à potage, en passant par les couverts à poisson, et plein d’autres trucs, c’est tout en argent massif ciselé, estampillé, et tout et tout.
Souvenir de famille, reste d’une splendeur d’antan, qui se transmet de mère en fille, et qui se retrouvera à la corbeille… de mariage.
Evidemment, mon projet de 54 pièces Inox, garanti deux ans, made in China, ça a du mal à tenir la comparaison.
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L’histoire pourrait s’arrêter là, mais, bien entendu, il y a des développements.

Marie-Christine, (la Promise), elle a comme sœur un adorable petit démon, prénommé Rolande depuis une seizaine d’année.
Cette gamine, en chair et en os, m’a inspiré le personnage de Roxane dans mes délirades fictivement policières. (Roger est mort, et la suite).

La petite, la main sur le cœur, elle jure de ne jamais aller manger chez sa sœur chérie si on met ces saloperies comme couvert, c’est elle, chaque fois, qui fait la vaisselle, (elle adore ça), mais dans le lave-vaisselle, elle n’a pas trouvé de pastilles de blanc d’Espagne pour faire briller l’argenterie.
Vaut mieux des trucs en inox.

Mon idée redevient d’actualité, il faut que j’y réfléchisse.
La petite, elle n’a pas tort, bouffer un steak-tartare-frites avec une fourchette en argent, en plastique ou en inox, voire juste avec les doigts, ça ne change pas le goût.
Le plastique, c’est pratique, mais moins écologique que les fourchettes du Bon Dieu, mais si ça marche pour le tartare, c’est moins évident pour la fondue Savoyarde, voire Bourguignonne.

L’inox, c’est universel, même pour la tarte Tatin ou la blanquette de veau.
Et comme beaucoup d’autres choses, bien lavé, ça ressert.

Mais j’ai scrupule, un écrin Made in China, avec le tampon Carrefour, même avec le bon de fidélité à l’intérieur, j’ai peur de paraître mesquin.
Le lendemain, je baguenaude sous les arcades, l’esprit occupé par ce problème anguoissant.
Soudain, miracle !

Un nouveau magasin, auquel je n’avais jamais prêté la moindre attention, propose à la convoitise des badauds-gogos des trésors High-tendance, Design garanti.
Plusieurs ménagères sont en montre, avec fourchettes et couteaux plus ou moins biscornus, et il y en a une moins moche que les autres, elle semble convenir à mes desseins.
Bien entendu, c’est la plus chère, trois fois celle du super-marché.
Mais quand on aime, on ne compte pas.

Bien plus tard, je suis invité, en toute simplicité, chez le jeune couple qui vit des jours heureux. La gamine était invitée, toujours aussi espièglement charmante, mais j’ai la vague impression qu’elle se fout de ma gueule en douce.
Au dessert, j’en ai confirmation.
La petite cuillère, je l’ai déjà vu quelque part, mais pas dans l’écrin Design.

- T’es franchement ballot, mon Jojo !
Quand on a essayé ton truc, la première fois, on a tordu une fourchette, les couteaux, au-dessus de la crème renversée, c’est aussi efficace qu’un stylo-bille.
J’y ai tout bien remballé, et j’ai refourgué ça à une nigaude du lycée qui cherchait un cadeau original pour la fête des Mères.
- Mais c’est du vol !
- Mais non ! J’y ai fait voir le prix à la boutique, j’y ai vendu trois fois moins cher, juste le prix de ce truc à Carrouf, qui est nettement plus solide.

Cet âge est sans pitié.
08-08-2013 à 23:43:23
Rigolo ce post, il a fallu la séance de ménage pour que je le re découvre :-)

Héra
"La critique est aisée mais l'art est difficile"
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